Depuis plus de 4000 ans, le chien est devenu le compagnon de l’Homme ; pour l’aider dans ses tâches quotidiennes, au début, puis progressivement pour contribuer à son plaisir de vivre, avant de commencer, au siècle dernier, à partager totalement ses loisirs. Graduellement, l’Homme s’est ainsi impliqué au jour le jour dans la vie de son chien, cherchant à mieux le sélectionner, à l’éduquer, à l’entraîner et à le nourrir de manière optimale, non plus simplement pour qu’il survive à ses côtés, mais bien pour que, dans un plaisir partagé, il vive mieux.
LE SPORT DE TRAÎNEAU À CHIENS ET SKI PULKA
De fait, la reconnaissance du traîneau à chiens en tant que discipline ne remonte qu’au début de notre siècle. En effet, tandis que la ruée vers l’or (ex. « Gold Rush ”) battait son plein en Alaska, des groupes de passionnés se formèrent, désireux de comparer leurs attelages en terme de force et de rapidité. Il n’en fallait pas plus pour que naisse un sport…
Des débats passionnés se déroulant entre attelages et chercheurs d’or naquit le célèbre “ Nome Kennel Club ”, fondé en 1907 à Nome (pointe Nord-Ouest de l’Alaska). Sa finalité était simple : permettre le bon déroulement de courses “ officielles ” en assurant leur organisation matérielle et en mettant sur pied un règlement strict.
Un an plus tard, Albert Fink, avocat de Nome, institua le règlement de la toute première compétition officielle, l’ « All Alaska Sweepstake ” :
- tous les conducteurs seront membres du Nome Kennel Club ;
us les chiens doivent être enregistrés au Club ;
- le conducteur peut avoir autant de chiens qu’il le désire, mais tous ceux qui prennent le départ de la course doivent être ramenés à l’arrivée, soit dans l’attelage, soit dans le traîneau ;
- les chiens seront identifiés et marqués au départ afin d’éviter une substitution durant la course ;
- si deux attelages se trouvent fort rapprochés (l’un derrière l’autre), l’attelage rattrapé doit impérativement céder le passage immédiatement en s’arrêtant et attendre un certain laps de temps avant de repartir.
Bien au fait de ces règles, les “ mushers ” (mot qui vient du français “ marche ” et qui désigne le conducteur de l’attelage) prirent donc le départ de la course, dont le trajet Nome-Candle-Nome atteignait
Sur cette piste, faite “ de banquise, de hautes montagnes, de rivières gelées, de toundra, de forêts, de glaciers… ”, un jeune émigré norvégien, Léonhard Seppala, devint à jamais sans doute le plus grand nom du sport de traîneau. Avec des attelages de Huskies de Sibérie, Léonhard Seppala va remporter l’ “All Alaska Sweepstake ” en 1915, 1916, et 1917.
Un de ses rivaux, vaincu et découragé, écrira : “ Cet homme est un surhomme. Il m’a doublé chaque jour de la course et pourtant je ne lambinais pas. Je ne le voyais même pas conduire ses chiens et pourtant ceux-ci tiraient comme jamais je n’avais vu des chiens tirer auparavant. Quelque chose passait entre ses chiens et lui que je ne saurais définir ; quelque chose de surnaturel, une sorte d’hypnotisme… ”.
Entre 1908 et 1915, les attelages évoluèrent ; les premiers huskies étaient importés de Sibérie, et avec “ Iron Man ” (l’homme de fer), John Johnson comme musher, ils établirent un nouveau record en 1910 (74 heures 14 minutes et 37 secondes). En 1911, Allan Scotty Allan gagnait la course avec un attelage de “ croisés alaskans ” (croisement de Malamutes et de Setters), en environ 80 heures et sous un blizzard terrifiant. Autre grand nom du sport de traîneau débutant, Scotty Allan courut 8 sweepstakes pour en remporter trois, finir trois fois second et deux fois troisième.
Quant à Léonard Seppala, que faut-il en dire? Cet homme hors du commun donna ses premières lettres de noblesse au sport, et son meilleur chien de tête, “ Togo ”, est connu des mushers du monde entier. Nombreuses sont les courses qu’il remporta, ainsi en Nouvelle-Angleterre, où il fit la connaissance d’un jeune étudiant vétérinaire dénommé Roland Lombard. Un autre très grand nom… : de par sa profession, “ Doc ” Lombard, tout en continuant de courir avec ses chiens, fit progresser le sport de traîneau nord américain à pas de géant. À ce jour, il a gagné plus de titres à l’“ Anchorage World Championship ” que personne, et fut le premier président de l’association nord-américaine ISDRA (International Sled Dog Racing Association). Enfin, parmi tous ces noms qui font l’histoire et l’essence même de ce sport merveilleux, il convient d’évoquer George Attla, un indien Athabascan originaire de Huslia (Alaska). Georges Attla a tout remporté de ce qui existait et son livre, “ Everything I know about training and racing sled dogs ”, publié aux éditions Arner à New York, est considéré dans le monde entier comme la véritable bible du musher. Un film extraordinaire, hélas demeuré par trop confidentiel à sa sortie, “ Spirit of the Wind ” (l’esprit du vent), conte l’histoire de cet indien au courage sans limites : tous ses exploits, Georges Attla les accomplit en effet sur une seule jambe, une tuberculose osseuse juvénile l’ayant privé de l’usage de l’autre !
EVOLUTION DU SPORT
• Amérique du Nord
Depuis le début du siècle, les courses se sont multiplié aux USA et au Canada, quittant leur berceau alaskan. Un second berceau des courses vit le jour en Nouvelle-Angleterre, avec
La seconde guerre mondiale mit certes un frein au développement des compétitions, mais celles-ci reprirent ensuite de plus belle grâce à la multiplication des clubs ; ainsi le "Sierra Nevada Dog Drivers" qu’il convient de saluer car son responsable, Robert Levorsen, fut Président de l'ISDRA de 1971 à 1974.
1971 restera également une grande date, puisque cette année-là, le gouverneur de l'état d'Alaska proclama officiellement les courses de traîneaux à chiens “ sport national".
Aujourd'hui il est devenu difficile de dénombrer l'ensemble des compétitions se déroulant chaque hiver en Amérique du Nord. Les plus importantes demeurent les suivantes :
- Fur Rendez-vous World Championship ; Anchorage ((Alaska)
- World Championship Sled Dog
- World Championship Dog
- Open North American Championship ;
- Surdough Rendez-vous ;
Toutes ces courses sont des évènements annuels auxquels assistent des dizaines de milliers de spectateurs. Elles se courent en trois manches de 25 à
- l'Iditarod, "The Last great race on earth" (la dernière grande course sur terre), la plus longue (
-
-
-
Enfin, plus récemment (1996) est apparue une nouvelle course, calquée sur le modèle européen de course longue distance par étapes (née avec l'Alpirod en 1988), l'International Rocky Mountains Stage Stop Sled Dog Race... Se déroulant en janvier dans le Wyoming, cette compétition en 12 étapes avec nuits de repos ou bivouacs et possibilité de laisser certains chiens au repos sur certaines étapes, est, sans nul doute, le mode de compétition le plus amené à se développer, de par la notion de parfait respect du chien qui en découle et la meilleure efficacité préventive des équipes vétérinaires, contrairement à ce qui se passe sur une longue distance avec points de contrôle).
Ainsi sont nées d'autres légendes, d'autres grands noms, de Joe Redington Senior, "père de l'Iditarod", au vétérinaire "Doc" Lombard, en passant par le canadien Edddy Streeper (maintes fois champion du monde de vitesse), Rick Swenson (6 fois vainqueur de l'Iditarod), Libbie Riddles (première femme à remporter l'Iditarod en 1985, et élue sportive de l'année aux USA) ou Suzan Butcher (vainqueur de 4 Iditarod). Le médecin français installé en Alaska Jacques Philip est au rang de ceux-ci, car, outre ses nombreuses victoires en courses par étapes, lui et son fameux chien de tête Byron ont également conduit un attelage à plus de
Tous sont dans la légende et dans le cœur de chaque musher.
• Amérique du Sud
L'apparition du sport de traîneau est très récente en Amérique du Sud, mais l'apparition en 1993 de la première compétition officielle sur neige à Ushuaïa, en Terre de Feu argentine, avec un tracé empruntant également des pistes chiliennes, laisse augurer d'un développement futur intéressant.
• Scandinavie
S'il est bien un autre berceau du sport de traîneau, il s'agit de
- plus rapides sur des distances courtes (7 à
- plus adaptés psychologiquement à un effort solitaire.
Cette "autre" utilisation du chien de chasse ne va d'ailleurs pas sans imposer certaines précautions, parfois cocasses, mais utiles pour protéger du froid des chiens à poils ras ;
- manteau avant et après la course ;
- duvets individuels pour chiens lors de bivouacs.
Les scandinaves ont organisés des compétitions officielles depuis près de 70 ans, la pulka étant l'un des sports majeurs en Norvège et en Suède. En 1994, les Jeux Olympiques de Lillehammer virent, au titre du programme culturel des Jeux, l'organisation officielle d'une compétition internationale de vitesse, celle d'une course longue distance de
• Europe non septentrionale
Le Club Suisse des chiens nordiques, fondé en 1959 sous l'impulsion du Dr Thomas Althans et du regretté juge Paul Nicoud, s'est d'emblée fixé pour mission de promouvoir l'élevage et le développement des races de chiens nordiques. Ce faisant, il semblait inéluctable de déboucher sur l'organisation de courses de traîneaux à chiens, et c’est en 1965 que se tint le premier "camp de traîneau" suisse, occasion initiale pour les quelques pratiquants d'alors de réellement découvrir ce sport tel qu'il était pratiqué sur le continent nord américain.
Très vite, un circuit hivernal de courses fut mis sur pied en Suisse (Lenk, Saint-Cergue, Saignelégier, Sils-saint Moritz...) et en Allemagne (Todtmoos, Bernau...), pour gagner ensuite différents pays dont
1988 aura vu naître la plus grande course européenne, hélas démembrée en
Depuis la disparition de l'Alpirod, deux nouvelles courses par étapes sont nées, utilisant une partie de son tracé initial, l'Alpentrail dans le Tyrol et l'Alpirush dans le Vercors.
1990, enfin, fut une année charnière, avec l'organisation des premiers championnats du monde de vitesse à saint Morritz, regroupant l'élite de la pulka et du traîneau sous l'égide de la toute jeune fédération internationale, l'International Federation for Sleddog Sport (IFSS).
C'est maintenant La Grande Odyssée, créée en 2005, qui est devenue la référence dans les Alpes, avec ses quasi 1000 km répartis sur deux secteurs: les Portes du Soleil et la Haute Maurienne Vanoise.
EN QUOI LE CHIEN DE TRAINEAU EST-IL UN MODELE ?
Biologiquement proche de son ancêtre le Loup, vivant à la base en conditions environnementales hostiles, et pratiquant des efforts très intenses, le chien de traîneau constitue une « machine » (terme non péjoratif) biologique hors du commun qui en fait sans nul doute l’équivalent pour l’espèce canine de ce que
Au plan physiologique, il est le chien qui développe les meilleurs rendements énergétiques métaboliques, à la consommation maximale d’oxygène (VO2 max) la plus élevée, et dispose de processus adaptatifs hors normes à la consommation de matières grasses.
Au plan nutritionnel, l’importance de ses besoins en nutriments essentiels et énergie, associé à un déficit latent en amylase pancréatique et aux modifications du transit digestif lié au stress physiologique d’effort, en font le chien le plus difficile à alimenter de toute la « gent canine », et par voie de conséquence le meilleur modèle de progrès en ce domaine qui soit.
Les dominantes pathologiques rencontrées à l’entraînement ou en compétition, d’ordre traumatologique, métabolique, ou liées au stress induit, ont également permis au cours des dernières années des avancées importantes de la connaissance vétérinaire. On citera pour exemple la pathologie podale, les affections musculo-tendineuses, les diarrhées de stress et d’une manière plus globale les conséquences physiopathologiques du stress oxydatif membranaire (modèle du vieillissement cellulaire ou d’affections comme les proliférations tumorales, la cataracte, certaines maladies cardiovasculaires…).
Enfin, un intérêt se fait jour dans le domaine de la pathologie comparée : consommation de graisse et état inflammatoire chronique (le tabac en est une cause) sont causes chez l’Homme d’athérosclérose… maladie inconnue chez un chien qui peut consommer jusqu’à 8000 Kcal par jour de graisses et entretient son organisme en état inflammatoire intense en parcourant selon les périodes 20 à
Ainsi présentés, ces éléments détaillés par ailleurs, confirment bien combien le chien de traîneau est devenu un véritable modèle pour la science biologique et pour la médecine vétérinaire.
Replacé en conditions de terrain, il devient également pour le vétérinaire spécialisé en médecine sportive, lors de grandes courses en particulier, un modèle d’humilité mais aussi de nécessaire efficacité professionnelle.
commenter cet article …